À partir de l’hommage rendu au monument aux morts le 11 novembre 2021 à l’occasion de l’anniversaire de l’Armistice de la Première Guerre mondiale (1914-1918)
Il y a 103 ans, le 11 Novembre 1918, on arrêtait les combats. Le calme et l’espoir parcouraient de nouveau les soldats. En 1922, la date du 11 Novembre fût retenue comme jour de mémoire de cette guerre et jour de fête. Ce jour, dans chaque commune de France, nous nous réunissons autour des monuments aux morts pour nous souvenir des sacrifices. En cette année 2021, nous nous souvenons de ces six soldats de Gruchet-le-Valasse tombés à l’âge de 21 ans durant la Grande Guerre. Des jeunes gens dont il reste peu de traces, hormis des noms gravés, des noms sans visage. Leurs existences ne sont plus que dossiers et actes administratifs. Cependant, si les quelques informations contenues dans ces documents disséminés sont mises bouts à bouts, elles nous permettent de retracer une partie de leur vie, et de prendre la mesure de leur jeunesse et de leurs souffrances.
Figure 1 : Boulevard Montmartre (la foule en liesse à l’occasion de 11 novembre 1918), photographie de presse, Agence ROL, 13 x 18cm, BNF, Paris, 1918.
Charles Emile Friès est né à Rouanne, dans la Loire, le 14 mars 1892[1]. Il est le fils de Émile et Émélie Friès (née Haller), tous les deux domiciliés à Gruchet-le-Valasse. Dès 1911, il s’engage volontairement dans l’armée française. Il est incorporé dans le 1er Régiment de Zouaves, sous le matricule n°5270. Le régiment des Zouaves est spécialisé dans l’infanterie légère, et est un régiment spécifique aux colonies.
Charles Friès fait ses premières campagnes militaires en Algérie et au Maroc. En 1914, le régiment se compose de six bataillons dont cinq sont en Afrique. Au moment de la mobilisation le 1er Régiment de Zouaves est celui envoyé en France.
Il est tué au combat lors de l’attaque du village de Carlepont (Oise) le 16 Septembre 1914[2]. Son décès est transcrit dans l’état civil de la commune en 1915[3]. Il est décoré de la Médaille militaire et de la Croix de Guerre avec étoile d’argent[4].
[1] Archives municipales de Gruchet-le-Valasse, Registre d’État-civil, Année 1915, acte n°48.
[2] Dossier militaire de FRIÈS Charles Émile, obtenu par l’intermédiaire d’Alain Avenel.
[3] Archives municipales de Gruchet-le-Valasse, Registre d’État-civil, Année 1915, acte n°48.
[4] Gazette municipale de Gruchet-Le-Valasse, dossier sur la Première Guerre mondiale.
Figure 2 : Défilé des Zouaves, Agence Rol, 13 x 18 cm, BNF, Paris, 1914.
La médaille militaire représente la plus haute distinction militaire pouvant être attribuée à un sous-officier ou un soldat. Elle récompense les soldats ayant servi longtemps dans l’armée ou qui ont accompli des actes extraordinaires. La devise de la Médaille militaire est : « Valeur et Honneur ».
Figure 3 : La Médaille Militaire
La croix de guerre est une décoration militaire créée en 1915. Elle récompense les combattant ayant fait preuve d’un bravoure exceptionnelle.
Né le 31 octobre 1893 à Gruchet-le-Valasse, Gustave Alfred Poulingue est le fils de Élie et Héloïse Poulingue (née Ferry)[1]. Il est incorporé à l’armée française en 1913. Soldat du 24e régiment d’infanterie depuis le 11 février 1915, le 4 mars de la même année, il est tué à l’ennemi, à Cormicy, commune de la Marne[2]. Sa mort est rendue officielle par le biais d’un jugement en date du 21 février 1919[3] au nom de : Gustave « Albert » Poulingue (le deuxième prénom ne correspond pas, il s’agit d’une erreur de transcription).
Marcel Henri Émile Chapelle est né à Gruchet-le-Valasse, le 5 novembre 1895, rue Saint-Marcel. Il est le fils de Pierre Chapelle, teinturier, et de Victorine Bridel[4], bambrocheuse. Les bambrocheuses sont des ouvrières dans l’industrie du textile. Il était ouvrier d’usine selon son dossier militaire. Soldat au 128e régiment d’infanterie, immatriculé sous le numéro n°2900. En 1915, il est blessé d’un éclat de bombe dans la jambe droite[5]. Il est tué au combat moins d’un an après, le 17 août 1916 à Belloy-en-Santerre (Somme)[6].
Charles Henri Victor Alais est né le 8 octobre 1895 à Gruchet-le-Valasse au domicile de ses parents Albert et Blanche Alais[7], route de Lillebonne. Tout d’abord réformé en 1914 pour cause de faiblesse, possiblement des faiblesses physiques (trop petit, trop maigre), des faiblesses de santé (d’ordre respiratoire par exemple), il est, malgré tout, incorporé le 9 septembre 1915 sous le matricule n°2862. Il est chaudronnier au moment de son incorporation. Alors qu’il est soldat au 412e Régiment d’infanterie, il décède à l’hôpital mixte de Poitiers des suites d’une maladie contractée au service le 4 mars 1916[8]. Son décès est déclaré par son père Alfred Alais le lendemain[9]. Il est le neveu d’Alexandre Alais, adjoint au maire de Gruchet-le-Valasse et frère de Jean Alais tué le 4 Mars 1918.
Le 2 août 1895 est né Joseph Bernard André Brunet à Gruchet-le-Valasse, rue Saint Marcel chez ses parents. Son père est Ferdinand Brunet, journalier, et sa mère est Marie Brunet (née Quesse)[10], bambrocheuse. Il est tisserand au moment de son incorporation au 74e régiment d’infanterie. Joseph Brunet est porté disparu le 3 avril 1916[11]. Son décès est déclaré par le tribunal du Havre à la suite d’un jugement sur requête rendu le 27 Mai 1921. La date de sa mort est fixée au 3 avril 1916 à Vaux Douaumont dans la Meuse[12].
Paul Marceau Victor Bellanger est né le 21 décembre 1895 à Gruchet-le-Valasse. Fils de Paul Bellanger et de Augustine Bellanger (née Turquier), domiciliés route de Lillebonne[13], il est journalier. Il est incorporé à l’armée française sous le numéro 2880. Il change de nombreuses fois de régiment, sa dernière affectation est au 303e régiment d’infanterie. Il est blessé le 30 juin 1917, au réduit d’Avocourt. Il présente une plaie profonde à la fesse gauche provoquée par un éclat d’obus selon son dossier militaire. Il décède le 1er juillet 1917[14] à l’hôpital de Fleury sur Aire (Meuse), des suites de ses blessures. Il est inhumé au cimetière de Fleury sur Aire[15].
Figure 5 : Carré militaire Gruchet-le-Valasse, 2021.
Le 11 Novembre 1918, c’est l’armistice, l’arrêt des combats mais la paix est encore loin. L’armistice c’est l’espoir. Le 11 Novembre pour les contemporains de la Grande Guerre c’est la fête de la Victoire. Georges Clémenceau, dans sa fonction de Président du conseil des ministres, déclarait à l’Assemblée :
« Honneur à nos grands morts qui nous ont fait cette victoire ! (…) Et quand nos vivants, de retour sur nos boulevards, passeront devant nous, en marche vers l’Arc de Triomphe, nous les acclamerons ».
Aujourd’hui les poilus de 14-18 ne sont plus là pour être honorés en personne, mais nous nous souviendrons de leur douleur et de leur sacrifice.
Figure 6 : Commémoration du 11 novembre 2021, Gruchet-le-Valasse
Avec l’aimable participation d’Alain Avenel.
Anaïs SANSON
[1] Archives municipales de Gruchet-le-Valasse, Registre d’État-civil, Années 1991-1993, acte n°134.
[2] Dossier militaire de POULINGUE Gustave Alfred, obtenu par l’intermédiaire d’Alain Avenel.
[3] Archives municipales de Gruchet-le-Valasse, Registre d’État-civil, Année 1919, acte n°22.
[4] Archives municipales de Gruchet-le-Valasse, Registre d’État-civil, Années 1994-1996, acte n°126.
[5] Dossier militaire de CHAPELLE Marcel, obtenu par l’intermédiaire d’Alain Avenel.
[6] Archives municipales de Gruchet-le-Valasse, Registre d’État-civil, Année 1916, acte n°59.
[7] Archives municipales de Gruchet-le-Valasse, Registre d’État-civil, Année 1894-1896, acte n°114.
[8] Dossier militaire de ALAIS Charles Henri Victor, obtenu par l’intermédiaire d’Alain Avenel.
[9] Archives municipales de Gruchet-le-Valasse, Registre d’État-civil, Année 1916, acte n°20.
[10] Archives municipales de Gruchet-le-Valasse, Registre d’État-civil, acte n°83.
[11] Dossier militaire de BRUNET Joseph Bernard André, obtenu par l’intermédiaire d’Alain Avenel.
[12] Archives municipales de Gruchet-le-Valasse, Registre d’État-civil, Année 1921, acte n°24.
[13] Archives municipales de Gruchet-le-Valasse, Registre d’État-civil, Année 1894-1896, acte n°136.
[14] Archives municipales de Gruchet-le-Valasse, Registre d’État-civil, Année 1918, acte n°29.
[15] Dossier militaire de BELLANGER Paul Marceau Victor, obtenu par l’intermédiaire d’Alain Avenel.
À partir de l’hommage rendu au monument aux morts le 11 novembre 2022 à l’occasion de l’anniversaire de l’Armistice de la Première Guerre mondiale (1914-1918)
Cinq millions de combattants. Un millions et demi de tués. Trois millions et demi de blessés. Voici en chiffres approximatifs le tribu payé par la population française lors de la Grande Guerre. Un million et demi de tués, quatre années.
104 ans après l’Armistice, on ne peut pas pleurer un million de morts. Mais on peut se rappeler d’eux en leur rendant une identité. En ce 11 novembre 2022, nous allons mettre à l’honneur trois soldats de Gruchet-le-Valasse morts pour la France à l’âge de 22 ans.
Ces trois soldats ont tous été mobilisé dès leur 21 ans, âge de la majorité, âge auquel on devenait citoyen.
Figure 1 : Place de l’Opéra et rue de la Paix, le jour de l’Armistice, négatif sur verre,
13x18cm, Agence Roll, Paris, 1918.
Alfred Adolphe Belfort est né le 27 mai 1895[1] à Bolbec, au n°2 de la route de Lillebonne au domicile de ses parents. Fils de Edouard Emile Belfort, journalier (ouvrier manuel) et de Célina Augustine Leduey, tisserande.
Il est teinturier et réside à Gruchet-le-Valasse quand il est incorporé le 18 décembre 1914 au 51e régiment d’infanterie. Il est passé au 164e RI puis au 166e RI le 8 juin 1915 selon ses papiers militaires[2]. Il est notifié qu’il a atteint le niveau trois de « degré d’instruction », il possède donc une instruction primaire (lire et écrire) plus développée.
Alfred Belfort est porté disparu le 18 juin 1917 au MontBlond (Marne). L’avis de disparition dans les archives administratives de la Guerre date du 1er aout 1917.
Date qui sera déclarée comme celle de son décès par le jugement du tribunal civil du Havre le 15 avril 1922, et retranscrit le 27 avril 1922 dans l’Etat-civil de Gruchet-le-Valasse[3], son dernier domicile et lieu de résidence de ses parents.
Il est décrit par son lieutenant comme un soldat courageux qui se « maintient en position dans toutes les circonstances » et qui possède « un calme, une ténacité, dignes d’éloge » et qui applique le « tenir quand même ».
Le corps d’Alfred Belfort n’a pas été retrouvé, son nom ne figure pas sur le monument aux morts de 1922 ni sur l’actuel. Nous pouvons seulement aujourd’hui imaginer à quoi ressemblait ce jeune soldat âgé de 22 ans au visage ovale, aux cheveux châtain foncé et aux yeux gris, mesurant 1m56[4].
Photographie de l’acte de naissance de Alfred Belfort, archives numérisées, Bolbec
Joseph Charles Blondel est né à Bermonville le 19 juin 1892[5]. Il est le fils de Louis Arsène Blondel, maçon et de Anathola Marie Doguet. Il est maçon et habite Gruchet-le-Valasse quand il est incorporé le 9 octobre 1913 au 165e régiment d’Infanterie[6].
Le peu de détails donnés par ses papiers militaires nous laissent quelques indices sur ce jeune homme, d’1m65, sachant lire et écrire (degré d’instruction 2), au visage ovale, aux yeux gris, avec un nez allongé et un front bombé dont les cheveux sont châtains moyens[7].
Joseph Blondel disparaît le 29 aout 1914 à Murvaux (Meuse), l’avis officiel de sa disparition sera rédigé dans le courant du mois de novembre 1915[8]. Il est déclaré mort au 29 aout 1914 par un jugement retranscrit le 1er mai 1920[9]. Il ne figure pas sur le monument aux Morts.
Partie du dossier de matricule militaire de Joseph Charles Blondel,
Archives départementales, archives numérisées.
Gros plan sur la partie « signalement » du matricule militaire de Joseph Charles Blondel,
Archives départementales, archives numérisées.
René Roger Charles Marie Métais né le 3 novembre 1892 à Neufchatel en Bray[10], il est le fils de René Alexandre Métais, horloger-bijoutier, et de Clémentine Augustine Rocher. Ses parents décèdent avant que René Métais ne soit convoqué au service militaire. Il est domicilié chez sa grand-mère à Saint-Antoine la Forêt.
Il est incorporé à partir du 1er octobre 1913 au 2e dépôt d’équipage de la Flotte de Brest.
René Métais est décédé le 28 janvier 1915 à Coutances dans la Manche, il est alors soldat du premier régiment de fusiliers marins, des suites de ses blessures à l’hôpital auxiliaire n°6[11]. Il figure sur le monument aux morts de Gruchet-le-Valasse et de Saint-Antoine La Forêt.
11 novembre 2022, 5h15 du matin, heure symbolique. L’Armistice est signée. Elle prendra effet à 11h11.
Après la joie, la fête, il faut sortir de la guerre. Réorganiser une société de paix, les temps ont changé. Organiser le transport de trois millions d’hommes. Mettre en place les pensions d’invalides de guerre. Soigner les corps et les âmes. Pleurer les morts.
Compter les disparus. De nombreuses commissions d’enquêtes mèneront des recherches afin de retrouver les soldats désignés comme disparu. Des jugements seront rendus jusque dans le milieu des années 1920 afin de déclarer morts tous ces soldats jamais retrouvés. Les corps broyés par les machineries militaires, par les bombes.
« Cet hommage va encore à tous les combattants de nos armées de terre et de mer, à ces héros admirables, auxquels on ne peut songer sans que les larmes montent aux yeux, et auxquels nous avons le grand devoir de préparer une patrie plus maternelle, plus douce et plus souriante encore. (Applaudissements répétés. MM. les députés se lèvent.) » M. Deschanel au Sénat
La Municipalité de Gruchet-le-Valasse, fait construire comme plus de 97% des communes de France un monument aux morts inauguré en 1922, pour rendre hommage à ses habitants tués au front, à leurs sacrifices, à leurs souffrances.
[1] Archives départementales, Bolbec, Registre d’état-civil, 1895, acte n°184, cote n°4 E 12941.
[2] Archives départementales, archives numérisées, matricules militaires, cote n°1R3384.
[3] Archives communale Gruchet-le-Valasse, Registre d’état-civil, année 1922, acte n°49
[4] Archives départementales, archives numérisées, matricules militaires, cote n°1R3384.
[5] Archives départementales, Bermonville, Registre d’état-civil, 1895, acte n°184, cote n°4E 12941.
[6] Archives départementales, archives numérisées, matricules militaires, cote 1R3320.
[7] Idem.
[8] Idem.
[9] Archives communale Gruchet-le-Valasse, Registre d’état-civil, année 1920, acte n°66.
[10] Archives départementales, Neufchâtel-en-Bray, Registre d’état-civil, 1892, acte n°231, cote n°4E11779.
[11] Archives départementales, Saint-Antoine la Forêt, année 1915, acte n°4.
Avec l’aimable participation d’Alain Avenel.
Anaïs SANSON