Tombe 12 : Pierre et Gilberte Meurice

PIERRE ET GILBERTE MEURICE

Pierre Meurice : un artiste à Gruchet-le-Valasse

Dans le cadre de la valorisation du patrimoine de la commune, nous nous intéressons aux tombes remarquables. Des personnages importants aux chapelles funéraires, en passant par le cimetière privé protestant de la famille Pouchet, nous ne pouvions pas laisser de côté Pierre et Gilberte Meurice.

Pierre Meurice était un artiste atypique et reconnu, aux œuvres étonnantes, passionné par sa région.
À travers sa peinture et sa vision, Pierre Meurice donne sa version du pays de Caux depuis la commune de Gruchet-le-Valasse.

Pierre Meurice : une révélation pour l’Art et l’amour du pays de Caux.

a)     De Paris au Havre, de l’enfance à la guerre

Pierre François Casimir Meurice est né le 14 Février 1915 à Paris dans le 10e arrondissement[1]. Ses parents sont Auguste Paul Meurice et Rachel Marie Mathilde Lesueur. Sur son acte de naissance, il est indiqué qu’ils sont domiciliés au n°4 de la rue de Petites Ecuries dans le dixième arrondissement.

Il se destine tout d’abord à la vie religieuse. « En 1939, quand la guerre éclate, Pierre Meurice est novice franciscain[2] », c’est-à-dire qu’il étudie pour entrer dans l’ordre franciscain, qui est un ordre religieux créé par Saint-François d’Assise. La confrérie applique les valeurs de pauvreté, il est aujourd’hui l’ordre catholique le plus répandu.

Après la Seconde Guerre mondiale, Pierre Meurice reçoit la Médaille des Evadés. Cette médaille a été créée en 1926, à la demande de plusieurs associations d’évadés, et portée par le député Léon Delsart. Pour le conflit de 1939-1945, la Médaille des Evadés est attribuée sous certaines conditions dont une stipule que seront distingués : « Les militaires et anciens militaires, prisonniers de guerre, qui se sont évadés, entre le 2 septembre 1939 et le 8 mai 1945 (date reportée au 15 août 1945 pour le théâtre d’opérations d’Extrême-Orient). »[3]. La Médailles des évadés est un titre militaire.

b)    Gilberte : une autre vie

Pierre Meurice rencontre Gilberte Orange en 1947. Cette rencontre le conduit à modifier fondamentalement sa vie, en abandonnant sa dévotion religieuse. Ils se marient le 16 Janvier 1947 à Gruchet-le-Valasse. Paul Meurice, son père, habite rue Brillat Savarin, au n°5 au Havre.

Gilberte quant à elle, vit à Gruchet-le-Valasse. Gilberte Simonne est née le 17 Mai 1925 à Gruchet-le-Valasse, d’un père ajusteur, Jules Gaston Orange et d’une mère sans profession, Paulette Berthe Mauduis[4].

Pierre Meurice et Gilberte Orange[5]

Ils ont quatre enfants Jacques, Xavier, Bénédicte et Natalie. Le couple tient un commerce où ils vendent des vêtements de pluie, dans la ville de Bolbec : Le Super Para.

Dans la vitrine, Pierre Meurice créé des « têtes originales peintes sur du carton » en guise de présentoirs. Elles sont les premiers pas de l’homme dans le monde artistique. Un divertissement qui devient une passion, une vocation.

a)     Sa vocation pour l’Art

En 1959 le couple abandonne son commerce.  Ils décident que la famille ne vivra que « de l’art ». Ils s’installent à Gruchet-le-Valasse où ils ouvrent un atelier-musée.

Le Musée Pierre Meurice, fût à la fois la maison et l’atelier du peintre. Plus de cent toiles y sont alors exposées. C’est la famille qui assure l’accueil du public et les visites, notamment Gilberte, son épouse et Bénédicte, l’une des enfants du couple.

Pierre Meurice dessinant, date inconnue

Bien que la peinture reste son domaine de prédilection, il s’essaie aussi à la poésie.

En floralie de fraîches couleurs
Les roses versent dans mon cœur
Et la saveur des exquises senteurs.

Evoquent de l’Amour les ardeurs
Les roses versent dans mon cœur
Et de ses joies, l’infinie douceur.

Mais, fanées, les roses, miennes sœurs,
Les roses percent en mon cœur
Les plus vives et profondes douleurs.

L’Ame des Roses, Pierre Meurice.

L’Artiste

a)     Une méthode de création originale

Pierre Meurice utilise trois couleurs uniquement : le Rouge, le Jaune et le Bleu, ainsi que le Blanc, « qui n’est pas une couleur mais la synthèse de toutes ». Le Rouge symbole de feu et d’amour. Le Jaune référence au soleil, à la lumière et la joie. Le Bleu couleur du ciel et de l’eau. L’artiste délaisse rapidement les pinceaux pour ne peindre plus qu’avec ses doigts.

Harfleur, par Pierre Meurice, date inconnue, L. 73 cm X l. 60 cm

b)     Reconnaissance de ses pairs

Pierre Meurice participe à de nombreuses compétitions. Il remporte plusieurs médailles et concours comme le Grand Prix d’Orsel de 1952, ou la Médaille d’Or de la Palette Française en 1961.

Le 08 juin 1965, la commission de la professionnalité des artistes graphiques et plastiques reconnait la « qualité d’artiste professionnel » de Pierre Meurice. Ceci lui donne un statut, ainsi que la reconnaissance de ses pairs.

Il aurait également été fait Officier des Arts et des Lettres et Chevalier du Mérite Culturel et Artistique.

Postérité

a)     Mémoire d’un père, mémoire d’un peintre

Pierre Meurice décède le 13 Juillet 1991, à l’âge de 76 ans à Fécamp. Son épouse et ses enfants maintiennent longtemps la mémoire du peintre et de ses œuvres. Il est inhumé à Gruchet-le-Valasse, dans le jardin de la maison familiale qui était aussi l’emplacement de l’ancien musée qui lui était consacré. À sa mort, il lègue à la commune une partie de sa collection ainsi que le musée. La commune ne pourra pas pérenniser l’héritage du peintre en maintenant le musée, mais continuera de lui rendre hommage en donnant son nom à une rue. L’une des salles de réception de la commune portera bientôt le nom de l’artiste et on pourra y admirer certaines de ses toiles lors de manifestations culturelles.

Localisation de la rue Pierre Meurice

a)     Une tombe privée

Si on souhaite intégrer les tombes de Pierre Meurice et de son épouse au circuit des tombes remarquables c’est parce qu’ils sont des figures culturelles incontournables de la commune de Gruchet-le-Valasse.

De plus, il est rare de nos jours de procéder à des inhumations sur des terrains privés comme des jardins. C’est pourtant le cas du peintre qui repose aujourd’hui dans le jardin de la maison dans laquelle logeait le musée qui lui était consacré. Son épouse, Gilberte a été enterrée à ses côtés en 2021. Dans cette démarche il faut aussi voir l’amour du peintre et de sa famille pour la ville de Gruchet-le-Valasse.

Pierre Meurice se proclame : le peintre de l’amour. Doit-on y voir une référence à sa date de naissance le 14 février, jour de la Saint-Valentin ? Cette thématique est personnifiée dans sa peinture par la création d’un personnage : la Vénus de l’amour, conservée à Gruchet-le-Valasse.

Vénus de l’Amour, Pierre Meurice, conservée à la mairie de Gruchet-le-Valasse

[1] Archives de Paris, Acte d’Etat Civil, Registre des naissances, 10e arrondissement, acte n°703

[2] Franciscain : nom donné à tous les frères mineurs de l’ordre créé par Saint François d’Assise.

[3] Site officiel du Musée de la Résistance : Musée de la résistance en ligne (museedelaresistanceenligne.org)

[4] Archives municipales de Gruchet-le-Valasse, Registre d’Etat Civil, année 1947, acte n°1.

[5] Photographie exposée lors de l’hommage pour les 100 ans de Pierre Meurice en 2015.

Anaïs SANSON avec la participation d’Alain AVENEL, Historien.