La légende :
À la mairie de Gruchet-le-Valasse, on raconte une histoire sur la maison située rue du Pilori, juste avant de rejoindre la route départementale. Les propriétaires successifs de cette maison, qui attire l’œil des passants, se sont transmis une légende :
« Nous sommes en février 1871. Notre région est envahie par les Prussiens qui ont battu Napoléon III. Mademoiselle Claudi (Anna, Henriette ou Elise – elles étaient trois sœurs-) est gouvernante ou bonne chez les Gernez (Ou Geisler), au château de Tous-Vents. Celui-ci est occupé par les Prussiens. Un jour, elle entendit la conversation des Allemands disant leur intention d’arrêter ses maitres en guise d’otage. Comprenant leur langue car d’origine alsacienne (Allemande), Mademoiselle Claudi s’empressa d’aller les avertir. Ceux-ci purent heureusement s’enfuir. En reconnaissance, quand celle-ci fut âgée, Henriette Piérard-Gernez, qui succéda à Tous-Vents aux Geisler, fit construire cette maison, rue du Pilori (autrefois Ancienne route”), pour que les demoiselles Claudi y passent leurs vieux jours. »
Alain Avenel.
Entrée du haut du Château des Genêts, format carte postale, sans date
Qui sont les sœurs CLAUDI ?
Elles sont trois sœurs, surnommées les Demoiselles Claudi. Elles sont les filles de Jean-Baptiste Claudi et de Johanna Anna Ricker.
L’aînée, Elise Jeanne Claudi (Jeanne est probablement une francisation de Johanna), est née à Mayence en Allemagne le 8 avril 1844. La seconde, Anna Marie (on peut aussi la trouver sous le nom : Anne Marie Claudi) est née à Mayence en Allemagne le 12 août 1851. La dernière Henriette Jeanne est née à Mayence en Allemagne le 28 août 1857.
Elles sont donc de nationalité allemande. Comment sont-elles arrivées à Gruchet-le-Valasse ?
Mayence est actuellement située sur le territoire de l’Allemagne, mais durant plus d’un siècle et demi elle a tour à tour été occupée par les armées françaises (napoléoniennes et républicaine). Après la chute de l’empire napoléonien, la ville devient tout d’abord une place militaire puis une forteresse, avec un droit de garnison de la Prusse et de l’Autriche. Elle le restera jusqu’en 1866. Mayence devient une forteresse prussienne de l’armée impériale jusqu’en 1918.
Selon le recensement de population de 1876[2], sur l’Ancienne Route au château des Genêts (actuelle rue du Pilori) sont recensés :
Archives communales, Gruchet-le-Valasse, Extrait Recensement de population, 1881
Ils sont les domestiques de la famille Desgenétais au château des Genêts.
Au même moment, en 1876, Jean-Baptiste Geisler, le propriétaire, avec sa famille et sa domesticité habitent au château de Tous-Vents.
Le 29 septembre 1877, Emile Alfred Fleury, cocher, et Anna Marie Claudi, lingère, se marient à Gruchet-le-Valasse[3]. Ils continuent d’habiter et vivre au château des Genêts. Le 6 juillet 1878[4] nait Alfred Victor Fleury, enfant présenté sans vie, de sexe masculin, au domicile de ses parents, enclave du château des Genêts. Et le 10 août 1879[5] nait Anna Elise Fleury, enfant présentée sans vie, au domicile de ses parents, enclave du château des Genêts.
Elise Claudi continue de travailler au château des Genêts comme femme de chambre selon le recensement de population de 1881[6]. Il est précisé qu’elle est la domestique du chef de famille (Auguste Desgenétais), par opposition à ceux qui sont mentionnés comme étant les domestiques du gendre, le baron Piérard. En effet, ce dernier fait son apparition dans le recensement comme vivant sous le toit de Auguste Desgenétais.
Anna Marie Fleury est recensée comme lingère au n°11 de la rue du Bout de Gruchet, dans le quartier du Bout de Gruchet (actuellement après les rues de la Croix et du Couvent, en allant vers Lillebonne) . Il est indiqué qu’elle est désignée comme cheffe de famille. Où est Alfred Fleury ?
Le 7 mars 1882[7] Anna Marie Claudi, épouse Fleury, décède en son domicile rue du Bout de Gruchet, à l’âge de 30 ans.
Elise Claudi décède le 17 août 1922[8] à Gruchet-le-Valasse. Son adresse n’est pas précisée sur son acte de décès. Cependant, sur les différentes matrices cadastrales on retrouve le nom de Mlle Elise Claudi (au n° plan B69) jusqu’en 1921-1925, à l’adresse de la maison actuellement habitée par Didier Peralta, maire de Gruchet-le-Valasse, propriétaire de la maison depuis 1997.
Photographie rue du Pilori, Gruchet-le-Valasse, 2023 @mairie de Gruchet-le-Valasse
Henriette Jeanne Claudi fait alors son apparition dans le paysage gruchetain, puisqu’elle figure au recensement de l’année 1936 au n°7, de l’Ancienne Route (actuelle rue du Pilori). Elle décède en cette commune le 4 avril 1948 en son domicile « Ancienne Route ». Sur son acte de décès elle est déclarée « sans profession ».
Qui est inhumé au cimetière communal ?
La concession funéraire[8], qui au départ est une concession de 30 ans, est commuée en concession à perpétuité. Cette concession funéraire est financée par Mlle Elise Claudi « rentière, demeurant à Gruchet-le-Valasse, au château des Genêts ». « Cette concession (…) devant recevoir la sépulture de Mme Fleury, née Claudi Anne Marie, sa sœur, décédée au dit lieu le 7 mars 1882, et la sienne ».
On peut donc affirmer que, dans le cimetière communal, reposent deux des sœurs Claudi : Elise Jeanne et Anna Marie (épouse Fleury).
Mais où est donc Henriette, la dernière des demoiselles Claudi ?
Anaïs SANSON
[1] Archives départementales, Gruchet-le-Valasse, Recensement de Population, 6M248.
[2] Archives communales, Gruchet-le-Valasse, Registre Etat-civil, 1877-1880, acte n°112.
[3] Archives communales, Gruchet-le-Valasse, Registre Etat-civil, 1877-1880, acte n°82.
[4] Archives communales, Gruchet-le-Valasse, Registre Etat-civil, 1877-1880, acte n°72.
[5] Archives départementales, Gruchet-le-Valasse, Recensement de Population, 6M294.
[6] Archives communales, Gruchet-le-Valasse, Registre Etat-civil, 1877-1880, acte n°30.
[7] Archives communales, Gruchet-le-Valasse, Registre Etat-civil, 1922, acte n°69.
[8] Archives communales, Gruchet-le-Valasse, concession n° C-0472.